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Cécile Astachenko en noir et blanc avec des lunettes rétro-chic

En résumé

Dans la vraie vie, je suis médecin, et quand je ne suis pas occupée à suturer une plaie, je me perds dans mes carnets à histoire. J'adore voyager, j'adore manger, j'adore le café et par dessous tout, j'adore lire. Mon premier roman s'intitule Ce que cachent les jupes des filles. 

La vérité

Un sac à main pour les T-rexs
J’écrivais peu lorsque j’étais enfant.
Mais je dessinais énormément. J’avais notamment développé une affreuse galerie de dinosaures à sac à mains et je demandais à ma mère d’écrire l’histoire que je lui dictais en dessous.

Souvent, on se retrouvait avec des dialogues tels que :

« Bonjour Henriette. Comment vas-tu ? »

« Très bien Josiane, le dîner chez Cristal était merveilleux, mais la viande de mammouth n’était pas assez cuite. C’est parce que Marcel est encore au poste de police, il n’a pas eu le temps d’aller chasser un mammouth frais. »

« Pauvre Cristal. Elle aurait dû réchauffer un mammouthon. »
Tous droits de reproduction interdits. 

Malheureusement, vint le temps cruel de la chute du paradis. Ma mère, lasse de passer des heures à écouter mes bêtises pour les retranscrire (et à la lettre s’il vous plaît), rompit notre fantastique partenariat et je me retrouvais alors seule avec mon stylo et mes dinosaures à présent muets.
Cependant, le déconvenue fut de courte durée, car produire mes propres textes m’offrit un monde plus vaste encore. Il n’y avait plus à choisir la teinte de mes sacs à main, la bonne taille de talons aiguilles, non : je pouvais écrire ce que je voulais sans limite - ni censure.
Autrice jeune
Dissection et grandes découvertes
Autrice étude
Mon adolescence fut à la hauteur de mon enfance, beaucoup de croquis. J'aimais énormément la biologie, car nous pouvions faire des schémas des végétaux - et de rats morts, honteusement sacrifiés par le ministère de l'éducation pour la jeunesse française. 
Et que dire des cours de littérature. Ah, les livres.
Je lisais déjà énormément avant d'entrer au collège, il avait d'ailleurs fallu changer de bibliothèque, car nous avions lu tous les livres de celle de notre village avec ma soeur.
Mais cette fois-ci, c'était différent. Pour la première fois, on me proposait des oeuvres que je n'aurais jamais choisi toute seule. Soit parce que le titre ne m'évoquait rien, soit parce que la couverture était moche (disons-le franchement, jamais je n'aurais glissé dans mon sac-à-dos un livre moche). Et soudain, découverte majeure : les livres moches avaient aussi des choses à raconter. Un monde, toujours plus vaste, merveilleux. C'est ainsi que lorsque notre professeure nous distribuait une liste de romans, je ne lisais pas l'un d'eux, mais bien la liste toute entière !
J'ai toujours été quelqu'un d'un peu extrême.
Les journaux intimes du purgatoire
Et puis vinrent mes premières vraies histoires. J'écrivais déjà un journal depuis mes 6-7 ans. J'y insultais successivement mes parents parce qu'ils n'avaient pas voulu aller au cinéma, ma soeur parce qu'elle avait coupé les cheveux de nos poupées, ma grand-mère parce qu'elle m'avait dit que j'étais coiffée comme une sorcière, mes copines parce qu'elles n'avaient pas voulu faire un concours de celle qui mangeait le plus de chewing-gum, le chat qui avait fait pipi sur mon sac, la voisine parce qu'elle sentait la soupe, le maître d'école parce qu'il n'avait pas reconnu le génie de mon exercice et m'avait collé un B+ au lieu d'un A. La bouchère parce qu'elle avait oublié mon morceau de saucisse. 
Oui, le monde entier méritait de brûler s'il me contrariait.
J'écrivais aussi à quel point j"aimais mes parents parce que nous partions au ski. Je griffonnais des messages secrets pour ma soeur quand nous étions réconciliées, je faisais des cocottes en papier pour ma mamie, enfin vous avez compris le principe.
Certaines pages étaient dédiées à des poèmes, d'autres à de petites histoires dramatiques où une jeune fille perdait tragiquement la vie dans un accident de voiture et revenait hanter le conducteur - le mati de la voisine - jusqu'à la fin de ses jours. À l'adolescence, les univers se sont un peu étoffés, ils devinrent fantastiques, avec des princesses maudites, des royaumes à conquérir, des chevaliers éperdus, et plus beaucoup de dinosaures.
Cécile Astachenko
La faculté de médecine
Cécile Astachenko en médecin chirurgien
Et finalement, tout a basculé lorsque je suis arrivée à l’université, en faculté de médecine. Il y a eu comme un déclic, j’ai compris que je pouvais apprendre à écrire, je pouvais renforcer ces histoires que je créais, avec de la méthode, de la rigueur, de la discipline. Et comme je l’avais toujours fait jusqu’alors, je trouvais la réponse dans les livres, et j’étudiais : de John Truby à Joseph Campell, j’achetais des romans non plus pour m’évader, mais pour les annoter, les disséquer. Et je m’entraînais, encore et encore. J’ai suivi la formation Devenir écrivain de Licares, je suis allée en salon, j’ai parlé et observé les auteurs. Bref, je voulais devenir une pro. Mais mes textes n’étaient jamais assez bons, ils manquaient de fluidité, et même s’ils gagnaient à chaque fois en qualité, je n’y étais pas encore.

Et puis vint la période qu’à posteriori, j’appelerais « brûler ». J’étais en dernière année d’études, je passais 10h par jour à l’hôpital – en général à tenir des pinces dans un bloc opératoire ou à suturer au beau milieu de la nuit les bourrés – je devais écrire mon mémoire, étudier mon examen final (un monstre), faire mes courses et mon ménage (hé oui, femme seule et indépendante oblige), et au beau milieu de tout ça, je trouvais un peu de temps pour dormir. 

Sauf que je ne dormais plus : ma vie ne ressemblait pas à ce que je voulais. J’avais arrêté d’écrire depuis quelques mois, lessivée que j’étais. C’est là qu’au cours d’une nuit d’insomnie, je suis tombée sur le concours de la Foire du Livre de Bruxelles. La deadline était prévue deux semaines plus tard. Je devais me lever dans quatre heures pour retourner en stage (et accessoirement tenir debout en salle d’opération), je devais écrire mon article, je devais réviser, je devais dormir. Mais je n’ai rien fait de tout ça. J’ai pris mon carnet, j’ai pensé à mes parents, à ma sœur, à ma mamie, à la bouchère, aux dinosaures. Et j’ai structuré une histoire, j’ai brossé des personnages, et j’ai écrit, écrit, écrit, comme une possédée pendant deux semaines. Et le dernier jour du concours, j’ai écrit encore pour finir le roman et l’envoyer, peu avant minuit, au jury. 
Le monde des livres
Et vous le savez, je l’écris partout : j’ai été sélectionnée. Oui. Je l’écris à qui veut bien le lire, j’ai été sélectionnée comme finaliste du Prix Roman noir de la Foire du livre de Bruxelles. Je ne sais pas si vous pouvez réaliser ce que cela voulait dire pour la petite fille aux dinosaures avec son stylo, pour l’adolescente et ses croquis de fougère, pour la jeune femme assise au fond de l’auditoire qui parcourait les pages de manuels de littérature en même temps que ses atlas d’anatomie. 

Ça voulait dire que tout ça, c’était moi, et ce moi, on le reconnaissait. Je m’étais entraînée depuis mon plus jeune âge, toute seule, dans mon coin, avec mes carnets, et puis j’avais sauté dans le grand vide, avec mes espoirs et mes feuilles gribouillées : et j’avais réussi. Certains artistes n’ont pas besoin de l’aval d’autrui, de grandes institutions ou de pontes pour les valider, mais moi oui. J’avais besoin qu’on me donne cette légitimité, ce droit de pouvoir écrire, aussi bête et immatériel que ce soit.

Et ce jour-là, quelqu’un m’a finalement dit : bienvenue Cécile-aux-dinosaures. Bienvenue chez les Ecrivains
.
Aujourd’hui, je suis médecin et écrivaine. Et je vous souhaite la bienvenue. J’espère que mes histoires, fruit de toutes mes aventures, vous plairont. ​
 
 
Ps : je ne fais pas de commande de dinosaures.
Cécile Astachenko remise de dîplome

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